
« Je suis conseillère en insertion en début de semaine et à la fin de la semaine je me transforme en agent administratif ! »
En tant que futurs professionnels, nous sommes tous amenés à nous poser un certains nombres de questions concernant le choix de métier que l’on souhaite exercer. Par exemple, lorsque l’on pense à un métier en particulier, très rapidement, on arrive à avoir une idée de l’environnement et du cadre qu’offre celui-ci, mais également nous avons une idée du type de mission et enfin, si c’est un type de métier où l’on est très régulièrement au contact des autres ou au contraire si c’est le type de travail que l’on peut exercer en toute autonomie sans être constamment en interaction.
C’est en partant de ces postulats que je peux aisément affirmer que lorsque l’on s’oriente vers les métiers du social, on imagine souvent que l’on va pouvoir être sans arrêt en relation (de qualité) avec les accompagnés, que l’on va être l’élément qui va leur permettre d’atteindre des étapes dans leur processus d’insertion socioprofessionnelle … Et surtout que l’on va pouvoir les aider ! C’est ce que j’avais tendance à penser…
Est-ce que les travailleurs sociaux ont la possibilité de réaliser un accompagnement qui correspond réellement aux besoins des publics en situation de vulnérabilité ?
En travaillant sur le dispositif de la Garantie Jeunes (nouveau dispositif d’accompagnement de 1 an visant à permettre aux jeunes d’accumuler les immersions en entreprise avec une allocation mensuelle) j’ai expérimenté autre chose. En effet, les conseiller(e)s doivent aider les jeunes à travailler sur leur projet professionnel, leur donner des clés pour parvenir à décrocher un emploi ou une formation tout en travaillant sur leur problématique sociale : santé, logement etc.
Mais dans la réalité, les conseiller(e)s doivent gérer une quantité de tâches administratives. Tout ce qui est réalisé avec les jeunes doit être saisi sur un logiciel nommé I-Milo : entretiens individuels, orientations, déclanchements d’aide financière, positionnement sur des offres d’emploi ou de stage, aide pour la rédaction d’un CV ou d’une lettre de motivation etc. En d’autres termes, tout ce qui n’est pas saisi n’est pas pris en compte. En plus de cela, dans le cadre de la Garantie Jeunes les conseiller(e)s doivent constamment scanner tous les contrats de stage et de travail des jeunes qu’ils/elles accompagnent, réaliser des saisies spécifiques sur Excel, remplir des formulaires sur le site « Ma démarche FSE » car la Garantie Jeunes est financée par le fond européen. De ce fait, les conseiller(e)s référent(e)s en Garantie Jeunes consacrent en moyenne 2 jours par semaine pour effectuer toutes leurs tâches administratives qui sont nécessaires en cas de contrôle.
J’ai été en réflexion par rapport à cela au bout de 3 semaines de stage. J’estimais que je ne consacrais pas autant de temps que je le souhaitais avec les jeunes que j’accompagnais. La Garantie Jeunes est un dispositif où il est tout à fait possible d’être en relation constante avec les jeunes que l’on accompagne et les ateliers que l’on anime nous permettent d’apprendre à connaitre les jeunes pour mieux les orienter. Cependant j’en ai conclu que le temps réel qui devrait leur être consacré est réduit pour les raisons évoquées plus haut. De plus, l’aide que l’on est censé leur apporter n’est pas toujours pertinente car le dispositif répond à une logique de chiffre, qui se traduit par des sorties positives ou négatives. Je disais souvent à mes collègues pour plaisanter « Je suis conseillère en insertion en début de semaine et à la fin de la semaine je me transforme en agent administratif ». Un mois après le début de mon stage je suis tombée sur un article nommé Inégalité et discrimination dans le champ de l’intervention social (Marie-Helène Wojcik et al, 2006/ 3°) et celui-ci m’a conforté dans mon impression vis-à-vis des contradictions qui perdurent dans les métiers du social. Cet article a mis en évidence les illusions et les fausses idées qui conduisent les étudiants à s’orienter vers les métiers du social. Selon Marie-Hélène, les étudiants pensent qu’ils vont aider, voire « porter secours » à public fragilisé, mais ils sont limités par les logiques administratives et institutionnelles. Avant même de parler d’accompagnement, il est question de vérifier si les concernés entrent dans les critères. Je vais aller plus loin, d’un certains cas, les travailleurs sociaux récoltent les données des accompagnés en entretien et c’est un site ou une application qui va calculer leurs droits.
Donc finalement, est-ce qu’en tant que travailleur social on peut réellement « aider« si tous les dispositifs répondent à des logiques de critères qui nous transforment de ce fait, en agent administratif ?
L’idée ici n’est pas d’apporter une réponse définitive et arrêtée, mais c’est une question que l’on doit se poser régulièrement et c’est ainsi que l’on pourra agir de manière à se rapprocher davantage de ce que devrait être le travail social.
Les nouvelles technologies dans le travail social :
Je ne pensais pas avoir autant affaire aux logiciels, à des plateformes spécifiques et à toute la paperasse administrative qu’entraine le fait de travailler avec des publics en difficulté. J’ai toujours été régissante lorsque j’entendais parler des nouvelles technologies, selon moi cela mettait une sorte de frontière entre les individus, mais elles sont omniprésentes dans notre quotidien et les ignorer c’est passer à côté de quelque chose.
Par exemple, avant la fin de mon stage je me souviens qu’avec une collègue nous devions aborder la question des techniques de recherche d’emploi lors d’un atelier. Lorsque nous préparions l’animation, nous nous sommes rendues compte que les jeunes allaient décrocher, il y avait trop d’informations. Ils aiment « le concret » comme ils le disent si souvent. Du coup, nous avons décidé de les emmener en salle informatique. Nous avons été voir des offres d’emploi sur Twitter, Linkedin et Pole Emploi et quelques-uns avaient trouvé des offres et ont postulé.
Aujourd’hui, ma pensée est plus nuancée à propos des nouvelles technologies et plateformes numériques.
Daniellie D.